L'imagination

Cercles de la Parole Conteuse - Carnet de bord des cercles
L'imagination, une intelligence du sensible

Cercles de la Parole Conteuse- Compagnie Conte

Nous avons systématiquement commencé l’écoute des contes par un conte dont la trame est la suivante :

« Un aveugle a vu un oiseau, un manchot l’a tué avec son arc, un cul de jatte a nagé et couru pour le ramasser et le donner à un tout nu qui l’a mis dans sa poche ». Les réactions des participants étaient immédiates :

« Mais c’est pas possible dans la vraie vie ! ».

Cela nous permettait ainsi de poser dès le début les bases de notre rapport à l’imagination : « En effet, ce n’est pas possible dans la vie concrète, matérielle, visible, mais dans la vie de l’imaginaire, ça l’est. ». À partir de là nous les invitions à chercher des situations imaginatives.

Exemples de quelques trouvailles : le manchot peut tirer à l’arc grâce à ses cheveux en forme d’arc ; un aveugle peut voir un oiseau puisque chaque oiseau qui passe laisse tomber sa crotte sur sa tête ; etc. À la suite de quoi, nous n’avons eu de cesse de leur répéter tout au long des séances que l’imaginaire est cet espace du « tout possible », qu’il s’agit d’une intelligence à part entière que la parole conteuse cultive dans des structures narratives.

Concernant les enfants, nous avons régulièrement constaté une réelle difficulté à entrer, à travers leur parole, dans cette dimension imaginaire du « tout possible ». Cette difficulté se ressentait par le fait de rester coller à la réalité matérielle et de chercher à justifier concrètement les motifs du conte. Nous avons pu ainsi mesurer à quel point le rapport à l’imaginaire est altéré dans nos sociétés matérialistes. Il y a urgence à apporter du discernement entre croyance et imagination et à retrouver un lien plus apaisé avec la fonction imaginative. Si dans l’histoire, nos sociétés occidentales ont eu besoin de procéder et à juste titre

(les abus de la crédulité…), à une démystification, nous rejoignons le philosophe Gilbert Durand quand celui-ci nous rappelle que celle-ci ne devrait pour autant pas se confondre avec une « démythification ». L’imagination a été qualifiée dans l’histoire de l’humanité de « folle du logis ». Il est important pour nous de sortir de cette peur de l’imaginaire et de cette confusion, pour que les contes puissent à nouveau occuper cette place essentielle qui est la leur, sans manipulation, ni abus de pouvoir. C’est à la condition d’un juste discernement entre croyance et imagination que la parole conteuse peut aider tout un chacun à ressentir et déployer son humanité.

Entre la 4ème et 6ème séance, nous avons également proposé aux participants de raconter ce que nous avons appelé des

« Imaginations », inspirées de ce qui s’appelaient anciennement des « Menteries ». Ce changement de dénomination nous permettait de sortir l’imagination de son cadre mensonger avec le « C’est faux ! » qui entraîne le « Ça n’existe pas » qui entraîne le paradoxe suivant :

Je raconte ou j’écoute une histoire qui me procure un vécu sensoriel et émotionnel pour ensuite devoir, par injonction sociale, le classer dans le non existant pour moi et le qualifier de distraction sans conséquence.

Il s’agissait pour les participants d’improviser sur la trame très simple de « Je suis partie de chez moi ce matin et je suis arrivée jusqu’à l’école » en laissant libre cours à leur imagination, ex. : « Quand je suis partie de chez moi ce matin, il pleuvait des crapauds, alors j’ai pris mon parapluie nuage et nous avons volé jusqu’à l’école. »

Cercles de la Parole Conteuse- Compagnie Conte

Bien sûr, nous leur donnions une Imagination de notre cru, chaque fois nouvelle, et ensuite c’était à eux de se lancer.

Là encore, ils avaient parfois du mal à s’extraire de la réalité matérielle. Pour les soutenir nous les invitions à laisser de côté tout ce qu’ils connaissaient trop bien, à savoir : les téléphones, les voitures, les personnages de jeux vidéos… pour aller rencontrer des images vraiment nouvelles pour eux-mêmes ; il a pu arriver certaines fois que nous les invitions à fermer les yeux pour prendre le temps de laisser monter une image et de temporiser l’interaction avec les autres.

Une fois que l’espace de l’imaginaire était identifié et que le plaisir de s’y laisser aller était goûté, c’était une vraie réjouissance pour nous de les voir devenir insatiables et volubiles ! Cette pratique a suscité un bel engouement, une forêt de bras se levaient pour s’y essayer.

Dans l’audio, vous entendrez :

- Des Imaginations qui témoignent d’une belle liberté. Ici, l’enfant retire ses jambes à la maitresse pour les lui rendre ensuite, signe d’une ambiance joueuse entre adultes et enfants, sans crainte et dans la confiance.

- Une pratique d’entrée dans l’imaginaire à partir du conte des quatre hommes sur le radeau. On y entend, les multiples sollicitations pour atteindre l’espace de jeu du tout possible.


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